• « L’homme est plein à chaque minute de possibilités non réalisées »  Vygotski

    « Ce qui compte dans les choses dites par les hommes, ce n’est pas tellement ce qu’ils auraient pensé en deçà ou au-delà d’elles, mais ce qui d’entrée de jeu les systématise, les rendant pour le reste du temps indéfiniment accessibles à de nouveaux discours et ouvertes à la tâche de les transformer »

    Michel Foucault

    « Dans la vie tout est dialogue, c’est-à-dire opposition dialogique » Bakhtine

    «L’action passée au crible de la pensée se transforme en une autre action, qui est réfléchie », « La conscience reste tout au long de la vie un contact social avec soi-même » Vygotski

    Une définition possible des GAPP (Patrick Robo)

    « il s’agit d’activités qui  sont organisées dans un cadre institué de formation professionnelle, initiale ou continue, concernent notamment les professionnels qui exercent des métiers (formateurs, enseignants, travailleurs sociaux, psychologues, thérapeutes, médecins, responsables de ressources humaines...) ou des fonctions comportant des dimensions relationnelles importantes dans des champs diversifiés (de l’éducation, du social, de l’entreprise...). »

    Qu’est-ce que c’est ?

    • Il s’agit donc d’une démarche, d’un processus, consistant non seulement à décrire et à mettre en commun, mais à analyser un vécu professionnel, au sens premier de décortiquer (chercher ce qui est sous l’écorce), pour tenter de comprendre ce qui a été fait, ce qui s’est passé, ce qui a été produit… et ce avec l’objectif que l’on pourrait schématiser ainsi :

     

    ANALYSER pour COMPRENDRE pour DISCERNER pour DÉCIDER pour AGIR

    Un GAPP n’est pas :

    • un groupe de dynamique de groupe ;
    • un groupe de thérapie ;
    • un groupe de production ;
    • un groupe de parole libre ;
    • un groupe-conseil (qui donne des conseils).

    Dans quel but ?

    • l’analyse de pratique doit être considérée comme une aide et en aucun cas comme une évaluation. Ceci signifie, qu’il ne doit y avoir aucun lien avec celle-ci.
    • De même, nous présentons de façon contractuelle des conditions de confidentialité (aucun élément révélé dans l’analyse ne doit être divulgué à l’extérieur du groupe) ; de mutualisation (tout le monde participe au cours de la formation et doit apporter un cas) ; d’empathie (les autres participants sont invités à aider celui qui énonce le cas, on ne doit pas porter de jugement sur l’action, et encore moins sur la personne). Le but n’est pas de savoir si l’action est bonne ou mauvaise, mais bien d’apprendre de l’expérience. La signification donnée par le formateur doit être très explicite, univoque et contractuelle avec les participants

    Le GAPP : une démarche clinique

    • « La démarche cliniqueest une façon de prendre du recul vis-à-vis d'une pratique : elle se fonde sur l'observation, qu'il y ait problème ou non; elle permet d'élaborer des hypothèses ou des stratégies d'action par la réflexion individuelle ou collective, la mobilisation d'apports théoriques multiples, des regards complémentaires, des interrogations nouvelles. Elle sollicite des personnes-ressources qui mettent en commun leurs points de vue pour faire évoluer la pratique ainsi analysée. C'est un moyen de faire face à la complexité du métier d'enseignant en évitant le double écueil d'une pratique peu réfléchie ou d'une théorie déconnectée des réalités vécues.  »

    Mireille CIFALI et Philippe PERRENOUD

    Une démarche réflexive

    • Il faut remonter jusqu'en 1933 lorsque John Dewey (1859-1952), philosophe et pédagogue américain, soulignait que l'intervention d'un enseignant devrait être le fruit d'un processus de réflexion qui puisse lui permettre de justifier et de prévoir les conséquences de son action
    • Donald A. Schön, un praticien chercheur du Massachusetts Institute of Technology (MIT), a entrepris des études qui s'inscrivent dans le prolongement des travaux de Dewey. il a montré qu'en général un praticien en savait beaucoup plus que ce qu'il ne le laissait paraître. Ce chercheur a noté que le praticien en action ne semblait pas surmonter les défis en s'appuyant sur des modèles appris au cours de sa formation (savoir scientifique), mais plutôt en improvisant à partir uniquement de ses expériences antérieures(action professionnelle ou savoir-faire). De plus, les travaux de Schön lui ont permis d'observer que le praticien éprouvait des difficultés à justifier le choix de ses interventions et à expliquer les raisons de ses réussites et de ses échecs. En fait, une rupture semblait exister entre deux types de savoir : l'expérience professionnelle et les connaissances scientifiques.
    • Il faut voir l'analyse réflexive comme un processus cognitif continu. À travers ce processus, on encourage un retour de la pensée sur elle-même. Cette approche favorise le développement de la pensée analytique et de l'esprit critique. Stimulant un retour de la pensée sur elle-même, cela permet à l'enseignant d'analyser et d'évaluer ses propres actes en se référant à son répertoire de savoirs constitué des savoirs scientifique et professionnel.

    Deux niveaux de réflexion, D. Schön

    • Pour Schön, deux niveaux de réflexion : le premier s'identifie à l'analyse réflexive en cours d'actionqui consiste à penser dans l'action. L'enseignant professionnel sait modifier son action au moment même où il agit selon la situation réelle, il fait alors preuve de créativité. Puis, le deuxième niveau concerne l'analyse réflexive sur l'action, celui-ci comporte une démarche plus approfondie de nature professionnelle. Ce second niveau de réflexion conduit l'enseignant à prendre une distance vis-à-vis sa pratique quotidienne et à s'interroger sur le contenu et les raisons de son enseignement. Cette réflexion, exercée entre collègues, peut devenir très enrichissante.

     

    Une démarche réflexive

    • accepter d’être responsable de ses actes (sans se sentir coupable)
    • accepter d’être confronté à soi, parfois aux autres
    • admettre l’incertitude et le doute
    • être capable de prendre du recul
    • savoir (s’)écouter (et donc se taire, taire son supposé savoir)
    • développer une pratique réflexive (Perrenoud, 2001) avec une posture de praticien réflexif qui « connaît la pratique de son art et travaille à la mise en œuvre des connaissances apprises en les adaptant et les affinant sans cesse au gré des situations changeantes et souvent imprévisibles» (Schön, 1994)

    Présentation de la méthode

    Groupe d’analyse de pratiques professionnelles (GAPP)

    • démarche volontaire entre pairs
    • processus d’amélioration des pratiques
    • cadre + principes = sécurité/efficacité

    Le GAPP Permet:

    • d’aider un professionnel à y voir plus clair
    • de développer un savoir analyser
    • de construire un savoir professionnel dans la confrontation aux autres à partir de situations professionnelles
    • d’optimiser les pratiques

    « Apprendre à analyser en analysant »

    Savoir analyser

           ->  s’anticiper différemment 
                                                                                                   ->  savoir devenir

    Pour chaque ½ journée : des phases successives

    • 1er temps : reprise de contact, le rappel des principes et du fonctionnement du groupe (~0-5 minutes) et le choix de la situation qui sera exposée ;
    • 2ème temps :
      • travail à partir des pratiques, exposé d'une situation par une personne volontaire (~10-20 minutes);
      • Les questions des participants (~15-50 minutes) ;
      • L'émission d'hypothèses pour aider à analyser, à comprendre la situation ou à induire la recherche du modifiable (~15-50 minutes);
      • La reprise de parole de la personne exposant (~0-5 minutes);
    • 3ème temps : clôture de la 1/2 journée, L'analyse du fonctionnement (sauf le cas exposé) et ce qui est souhaité pour la prochaine matinée (~5-30 minutes).

    Déroulé méthodologique du GAPP (durée = 2h)

    Phase 0 = 15 mn

    • objectifs et déroulement du GAPP
    • choix de la situation (situation professionnelle vécue)
    • pose du cadre: respect/écoute/confidentialité
    • pose des principes : pas de jugement, pas de conseil, pas de vie privée

    Phase 1 = 5 à 10 mn

    • exposé avec reformulation possible du récit

    Phase 2 = 30 mn

    • questions
    • l’exposant peut répondre aux questions

    Phase 3 = 30 mn

    • hypothèses de compréhension (adressées au professionnel et non à la personne)
    • pas de conseil
    • l’exposant écoute

    Phase 4 = 5 mn

    • conclusion: l’exposant s’exprime s’il le souhaite

    Phase 5 = 30 mn

    • analyse réflexive
    • participation de tout le groupe à tour de rôle

    Le GAPP n’apporte pas de solutions

    • Ne fournit pas de solutions
    • Permet une lecture multiréférentielle de la situation présentée ( tout acte pédagogique ou de formation est constitué d'objets ,théoriques et pratiques, pluriels et souvent hétérogènes)

    Rôle de l’animateur

    • Principal garant du dispositif
    • Anime et régule
    • Encourage la multiréférentialité
    • Favorise la réflexivité
    • Faire respecter le cadre du dispositif
    • Il rappelle que l’on ne s’adresse pas à la personne qui a exposé la situation pour lui donner des conseils ou dire ce qu’on aurait fait à sa place.

    L'animateur de ces groupes a diverses fonctions

    • -Sa première fonction sera avant tout d'instituer "un cadre" pour les séances et d'avoir le souci constant de "pointer " (c'est-à-dire faire remarquer au groupe) tout dépassement de ce cadre. C'est ce cadre qui assurera la sécurité du groupe, son efficacité.
    • Sa deuxième fonction sera d'être à "l'écoute du groupe" et de comprendre en particulier le genre de travail qui s'y passe
    • On s’astreint à commencer les interventions par «  je fais l’hypothèse que… »
    • L’animateur fait ensuite une synthèse de toutes les propositions en les regroupant par niveau d’analyse ou en faisant ressortir le niveau le plus efficace.

    L’animateur peut s’autoriser à (propositions de  P.Robo)

    • (faire) reformuler ce qui vient d'être énoncé
    • relancer le questionnement, les hypothèses
    • "interrompre" un participant
    • moduler le temps des phases (cadre horaire)
    • couper la parole pour intervenir dans son rôle de garant des personnes - faire évoluer le protocole, le rituel, les règles de fonctionnement… le cadre
    • censurer une intervention transgressive
    • interpréter sans en faire part ce qui a été dit
    • intervenir dans le temps de l'analyse en s'impliquant sans être impliqué
    • accompagner, rompre des silences "pesants"
    • prendre des décisions imprévues dans l'action
    • intervenir dans le temps d'analyse du fonctionnement, du dispositif (meta analyse)
    • proposer éventuellement une situation personnelle à analyser (en passant ou non le relai de l'animation)
    • interrompre momentanément ou totalement une séance en s'en expliquant, s'il perçoit un "danger" pour la sécurité des personnes
    • demander/proposer une co-animation
    • se doter et utiliser des "outils" d'animation
    • investir une fonction symbolique de "père" garant de l'autorité, de la Loi, tout en privilégiant "la horde des frères plutôt que le père primitif" (BALINT, 1960, p 327) mais aussi de "mère suffisamment bonne" (Winnicot, 2006) qui permet et favorise le développement de chacun dans un cadre social.

    Les conditions favorables pour le groupe

    • La stricte confidentialité des échanges
    • Un climat d’échanges bienveillant (non jugement, respect de l’autre et de sa parole)
    • Une attitude et une ouverture qui permettent de poser un autre regard sur sa pratique professionnelle
    • Une volonté de clarifier et de réinterroger ses pratiques
    • Une volonté de co-construire ensemble de nouvelles solutions

    Le Gapp n’apporte pas de solutions

    • Lors d'un GAPP, le groupe essaie de comprendre et non pas d'expliquer. La différence est de taille. En fait, face à une situation difficile, on essaie de trouver une explication rapide pour ne pas rester dans l'angoisse (avoir peur de quelque chose sans savoir ce que c'est). L'intérêt du GAPP est que l'on se donne deux heures pour rester avec la situation, pas d'urgence, tous les participants sont hors du lieu de travail, hors du lieu de la situation, l'exposant expose souvent un cas qui est en souffrance (en attente) en lui mais il n'est pas dans la situation, en devoir d'agir. On reste alors avec la situation et on va l'étirer, la disséquer, parfois aller dans l'improbable, ouvrir des voies.

    Les exposants peuvent s’autoriser à (Rappelons le principe du volontariat qui autorise mais n'oblige pas à exposer). Ainsi tout participant peut s'autoriser à :

    • revenir sur un vécu professionnel personnel (prise de recul réflexif)
    • proposer ce vécu professionnel à l'analyse avec un autre, avec d'autres
    • choisir et dire tout ce qu'il souhaite d'une situation dans laquelle il était impliqué en tant que professionnel
    • apporter des compléments d'informations dans la phase des questions
    • dire ses émotions, ses ressentis professionnels (voire personnels)
    • évoquer ses hypothèses interprétatives et/ou de compréhension
    • demander à ce que l'on interrompe le processus d'analyse en cours
    • reprendre la parole dans la dernière phase de l'analyse pour conclure cette dernière

    Les participants peuvent s’autoriser à …

    • proposer une situation professionnelle, et si elle est retenue à l'exposer (s'exposer) devenant alors exposant.
    • ne rien dire, ne faire qu'écouter
    • dire "JE" quand il s'exprime
    • dire sa pensée
    • "avoir le courage de sa propre bêtise" selon la formule de Michael Balint (1960)
    • s'émanciper d'une forme d'inhibition professionnelle liée aux habitus de certaines professions, notamment l'Éducation nationale
    • s'impliquer dans l'analyse sans se sentir nécessairement impliqué dans la situation analysée
    • poser des questions à l'exposant
    • formuler des/ses hypothèses de compréhension
    • entendre et accepter des points de vue différents des siens
    • interagir, inter-réagir avec les autres participants dans le temps de l'émission d'hypothèses et donc alimenter le conflit sociocognitif
    • proposer des évolutions de fonctionnement du dispositif
    • se porter volontaire pour être observateur, éventuellement animateur une prochaine séance

     

    Ecueils rencontrés et moyens mis en œuvre

    Ecueils rencontrés

    • Sur le dispositif lui-même
    • Sur le choix de l’animateur
    • Sur la situation présentée
    • Sur les questions
    • Sur les hypothèses
    • Sur la conclusion faite par l’exposant
    • Sur la dernière phase
    • Sur le ressenti de l’animateur

    Ecueil / Dispositif

    • Résistance au dispositif
      • regard des pairs
      • sentiment de frustration (pas de solution)
      • « rigidité » ressentie ?

    Ecueils / Choix de l’animateur

    • lien hiérarchique
    • appartenance au groupe

    Ecueils / Situation présentée

    • méthodologie du choix :
    • urgence : attention émotion ++
    • consensus : décision longue à émerger
    • situation trop générale
    • récits de situations difficiles à traiter :
    • récit qui reste sur l’émotion
    • récit très long
    • récit relatant une situation vécue par plusieurs participants
    • récit ne permettant pas d’identifier le questionnement de l’exposant

    Ecueils / Questions

    • celles qui contiennent des conseils ou des solutions
    • celles qui contiennent des interprétations

    Ecueils / Hypothèses

    • celles qui contiennent des solutions
    • celles qui contiennent des interprétations

    Ecueils / Conclusion par l’exposant

    peu éclairante è double frustration

    Ecueils / Dernière phase

    • expression de ressenti négatif
    • expression de la frustration
    • retour sur la situation exposée

    Ecueils / Ressenti de l’animateur

    • frustration de ne pas proposer de solution
    • frustration de ne pas assez orienter le débat
    • difficultés à accepter les silences

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